S'adapter « Notre exploitation a changé de dimension »
L’exploitation des Durel a changé de taille quand Clément, le premier fils, s’est installé en 2012, suivi sept ans plus tard par son frère Adrien. À chaque fois, il a fallu ajuster le système, les équipements et la façon de travailler.
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Chez la famille Durel à Saint-Jodard, dans la Loire, les transformations successives de l’ancienne étable entravée témoignent de l’adaptation des bâtiments et des hommes au développement de l’exploitation : écurie avec traite au pot et ensilage distribué à la corbeille, salle de traite 2x4, et demain bureau. « En 1989, quand je me suis installé, jamais je n’aurais cru que la ferme connaîtrait le développement qu’elle a eu ! s'exclame Philippe Durel. Il y a trente ans dans notre département, avec une production de 150 000 litres et 26 vaches, nous avions le sentiment d’être au top. Les choses ont beaucoup évolué depuis. »
En 2009, les éleveurs ont vécu la fin de l’URCVL, l’Union régionale des coopératives de vente de lait, qui les collectait. Avec un prix à 240 €/1000 litres pendant plusieurs mois, la période avait été compliquée. Sodiaal qui collectait déjà sur le reste de la commune avait repris le lait.
Trois ans plus tard, l’exploitation se transformait avec l’opportunité de reprise d’un site à deux kilomètres de là. « Celui-ci ressemblait trait pour trait au nôtre avec une surface identique, des montbéliardes en logettes, une borne d’irrigation, et la même marque de tracteur, précisent Claudie et Philippe Durel. Notre fils Clément s’est donc installé plus vite que prévu, tout en terminant le certificat de spécialisation en transformation fromagère auquel il s’était inscrit après son BTS PA. » De 305 000 litres en 2010, le quota est passé à 650 000 litres. La surface (initialement 61 ha dont 8 ha irrigués) a doublé.
Agrandir le bâtiment aurait été une erreur
Le 1er février 2012, un Gaec à trois associés était créé avec l’idée de faire du lait sur un site unique avec un équipement de traite permettant de ne mobiliser l’été (période chargée avec l’irrigation du maïs) qu’un seul trayeur.
Après avoir envisagé d’agrandir l’un des bâtiments existants, ce qui aurait été une erreur, aussi bien pour le confort des animaux que pour l’évolution future du troupeau, les éleveurs ont décidé de construire une stabulation neuve sur leur site dont ils étaient propriétaires du terrain. Ils ont opté pour un système en logettes creuses, avec raclage automatique. Une salle de traite 2x12 simple équipement avec ligne haute ainsi qu’une nurserie ont été installées dans l’ancienne stabulation. Les génisses et vaches à l’engrais ont été installées sur le site repris.
Sept ans plus tard, le 1er avril 2019, Adrien, le frère de Clément, rejoignait le Gaec, après une expérience très enrichissante de conseiller élevage au contrôle laitier de la Loire. Son installation s’est faite sans reprise de terrain, mais avec de l’intensification fourragère (permise par l’irrigation), l’arrêt des bœufs (30 par an), l’augmentation du nombre de vaches et de la moyenne d’étable (de 8000 à 9000 kg par vache sans pour autant augmenter le concentré (203 g/litre), la réduction de l’âge au premier vêlage des génisses. La stabulation a été agrandie pour loger 100 vaches en lactation et 20 taries. Des box de vêlages et une infirmerie ont été aménagés. Avec 750 000 litres de lait, le bâtiment était saturé et manquait d’équipements. Modulable grâce à un jeu de barrières, le bâtiment est adapté à terme pour 2 UMO.
On ne gère pas 120 vaches comme 40
En passant au fil des années, de 26 à 120 montbéliardes, le troupeau a changé de dimension. Pas question désormais de laisser une pathologie s’installer sur les vaches ou les veaux. Il faut être vigilant en permanence. Il y a plus de bêtes à surveiller, à nourrir, à traire, et plus de bâtiments à pailler. « C’est un poste de travail souvent insuffisamment pris en compte, pointe Philippe. D’où l’intérêt, avant de se lancer dans un projet d’agrandissement, d’aller visiter des exploitations qui ont la taille de ce que l’on veut faire, pour appréhender les différents points qui vont changer. »
D’une ration complète (sans concentré de production faute de Dac à l’époque), les éleveurs sont passés à une ration mélangée semi-complète (1). Le pâturage a diminué. Avec un grand troupeau, des années sèches et chaudes et une route circulante à traverser, ils ne cherchent plus à sortir systématiquement les vaches. Ils se contentent de prendre l’herbe quand elle est disponible. Un pâturage tournant au fil est alors pratiqué. Une ration à l’auge est toujours assurée.
Alors que le départ à la retraite de Claudie (62 ans) et de Philippe (61 ans) approche, la famille Durel profite d’être encore à quatre pour améliorer au maximum l’outil de travail. D’ici deux ans, les deux frères se retrouveront seuls et devront faire face à une pointe de travail au printemps (semis d’une vingtaine d’hectares de maïs après l’ensilage d’herbe) et en été (irrigation). À deux, il faudra peut-être modifier certaines pratiques (faire boire les génisses une seule fois par jour au lieu de deux par exemple) et moderniser certains équipements, la nurserie en particulier : mal orientée, elle est insuffisamment isolée. Le paillage des bâtiments est également un point à améliorer. Une réflexion autour de l’intérêt d’un robot de paillage suspendu dans la stabulation est engagée.
L’indispensable irrigation
Le changement climatique amène aussi de nouvelles questions. « Pourra-t-on à l’avenir récolter autant de fourrages qu’aujourd’hui, s’interrogent les associés du Gaec. Ici, depuis trente-cinq ans, nous sommes habitués à avoir des étés secs. » Mais désormais au 15 mai, l’herbe s’arrête de pousser. Depuis 2017, la première coupe d'herbe doit être systématiquement irriguée. Pour compenser, des prairies multi-espèces et de la luzerne, moins gourmandes en intrants, ont été introduites dans l’assolement. Les éleveurs apprennent aussi à gérer la pousse d’herbe d’arrière-saison (21 ha RGI en 2022), moins facile à récolter et à conserver. Outre une Cuma, dynamique avec du matériel performant, le Gaec a la chance d’avoir sur le secteur une ETA équipée d’un andaineur à tapis. La machine permet un débit de chantier deux fois supérieur avec de l’herbe de qualité à plus 30 % de MS, et sans terre ramenée.
L’adaptation n’est pas vécue comme une contrainte
« S’adapter, c’est anticiper et essayer, affirment Clément, Adrien, Claudie et Philippe. Pour cela, mieux vaut être curieux, ouvert et prendre le temps d’aller voir ailleurs. Définir sa trajectoire selon ses envies, l’ajuster aux objectifs que l’on s’est fixés, en sachant qu’il y aura des moments plus durs que d’autres, font partie du métier. Ensuite la détermination est importante.
On s’adapte rarement seul. Être bien entouré est essentiel car les choses évoluent très vite. Les gens avec qui nous travaillons (vétérinaires, marchands d’aliment, etc.) doivent être de véritables partenaires, plus que des relations commerciales. Pouvoir compter sur eux et réciproquement est déterminant. »
Outre un équilibre satisfaisant entre la vie privée et la vie professionnelle, garder du plaisir dans son travail est également déterminant. Chez les Durel, l’auto-construction et le bricolage y contribuent. « Ces activités ouvrent l’esprit, et permettent d’être dans la création, de conserver la motivation et durer dans le métier qu’on aime. »
(1) En brut : 24 kg d’ensilage maïs, 20 kg ensilage 1re coupe RGI-RGI-trèfle incarnat, 10 kg d’ensilage d’herbe d’automne RGI-Luzerne, 1 kg foin de luzerne, 1,8 kg céréales, 1,6 kg soja, 1,6 kg colza, 100 g minéraux, 125 g de bicarbonate, 60 g de carbonate, 80 g de sel. Une VL est donné aux fraîches gelées jusqu’à 150 jours de lactation (1 kg en moyenne sur tout le troupeau)
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